MYOTIS MYOTIS
Au cours de leurs prospections estivales de l’été 2010, deux naturalistes qui avaient demandé à visiter les combles et le clocher de notre église eurent la très agréable surprise d’y découvrir une population clandestine mais très active. Il s’agit d’une colonie de chiroptères (chauve-souris) qui répond au nom savant de Myotis Myotis ou à celui plus familier de : Grands Murins.
Suite à cette découverte, la commune signa une convention de protection avec le GCRA : Groupe Chiroptères Rhône Alpes.
Cette convention n’implique pas de dépenses pour la commune mais atteste simplement notre volonté de respecter quelques règles simples pour ne pas nuire à ces petits mammifères. Par exemple : limiter les visites du site, en autoriser l’accès aux spécialistes au moins une fois par an, conserver l’accès en l’état, exclure l’utilisation des produits toxiques pour le traitement des charpentes, récolter et utiliser le guano (qui est un excellent engrais !)
Le 6 juillet 2011, trois chiroptérologues ligériens de Terre et Nature ont effectué une opération de comptage en sortie de gîte. 110 individus avaient alors pris leur envol à 23h45 et plusieurs dizaines étaient restées regroupés à l’orifice de sortie sans s’envoler.
Le 21 juillet 2011, l’opération a été renouvelée par une soirée fraîche et ventée entre 20h30 et 0h15.
20h30 : Visite de la colonie dans l’église qui se trouve dans les combles du collatéral Est au droit de la travée n°3.
21h50 : à l’arrivée de la nuit, un premier Grand Murin sort de l’église et y entre quelques secondes après.
De 22h à plus de minuit : les sorties vont d’échelonner à un rythme variable mais de manière continue : sorties isolées ou groupées (4 à 5 individus grand maximum) espacées par plusieurs minutes sans envol.
A minuit, 288 sorties étaient décomptées. Après minuit la fréquence de sortie se ralentit très nettement, mais à la fin de l’opération, 10 à 15 Grands Murins restent agglutinés au niveau de l’orifice de sortie. Ce comportement déjà observé il y a quinze jours est étonnant. Peut être s’agit-il de jeunes individus qui hésitent à prendre leur envol ?
A 0h12 : 294 Grands Murins avaient quitté le gîte.
Avec 294 sorties enregistrées et une quinzaine d’individus encore visibles aux abords de la sortie de gîte, on peut affirmer que la colonie de Grands Murins de l’église de Changy dépasse en nombre les 310 individus.
Elle est la plus importante colonie de reproduction estivale de la Loire reconnue à ce jour.
Les chauves-souris de l’église de Changy
Trente-cinq espèces de chauves-souris (encore appelées chiroptères) sont actuellement connues en France, dont 30 en Rhône-Alpes.
L’église de Changy abrite une colonie de reproduction de Grands Murins Myotis Myotis.
Dans la Loire, nous ne connaissons actuellement qu’une seule colonie de cette espèce, ce qui lui donne un rôle primordial pour la pérennité des Grands Murins dans notre département.
Quelques éléments de biologie des chauves-souris
Les chauves-souris passent l’hiver en léthargie (de novembre à mars).
Au printemps, les femelles se réunissent en colonie dite de « parturition » (avril/mai), alors que les mâles sont dispersés dans les environs. La taille des colonies de parturition varie selon les espèces (de deux à trois individus pour les plus petites à plusieurs milliers pour les espèces les plus grégaires).
Chaque femelle va donner naissance à un petit (une seule mise bas dans l’année). Le jeune nait sans poils, les rassemblements en colonie permettent alors l’augmentation de la température. On estime que moins d’un jeune sur deux atteint l’âge adulte. Les causes de mortalité sont le manque de nourriture, les conditions météorologiques, la prédation (notamment au moment de l’apprentissage du vol), les collisions avec les voitures et, bien sûr, le dérangement des colonies de parturition ou d’hivernage.
C’est pour toutes ces raisons que la période de mise bas est extrêmement sensible (par exemple, lors d’étés froids, l’ensemble des jeunes peut mourir faute de nourriture).
C’est au mois d’août, que les jeunes s’émancipent et que les colonies se dispersent.
De fin août au mois de novembre : les chauves-souris accumulent de la graisse en vue de passer l’hiver en léthargie et s’accouplent.
Statut réglementaire des chauves-souris
Toutes les espèces de chauves-souris sont protégées en France. Par ailleurs, le Grand Murin est inscrit à l’annexe II de la directive européenne « Habitats, faune, flore » qui est à l’origine de la création du réseau Natura 2000 et fait également partie des espèces menacées de la liste rouge des vertébrés de Rhône-Alpes.
Mesures de gestion et de conservation :
Dans l’objectif de conserver cette colonie, deux aspects sont à prendre en compte :
1 – Pérennité du gîte
Le maintien de cette colonie passe par une non-modification des conditions d’accueil des animaux dans le bâtiment. Les chauves-souris sont particulièrement sensibles aux modifications à l’intérieur du gîte (modification des volumes, éclairage des parties intérieures…). Ceci sous-entend aussi de préserver un accès aux combles par le biais de lucarnes ou de fenêtres du clocher. Une attention particulière doit aussi être portée à l’illumination du bâtiment, qui si elle est modifiée ou mise en place peut conduire à l’abandon du gîte. Enfin, il convient d’éviter certains traitements de charpente qui peuvent avoir une incidence directe sur la mortalité ou sur le taux de reproduction de ces animaux.
2 – Tranquillité du gîte
Il est nécessaire d’assurer la tranquillité des chauves-souris dans les combles de l’église(ne pas faire de travaux à la période sensible). Nous proposons la mise en place d’une convention entre la commune et le Groupe Chiroptères Rhône-Alpes. Cette convention liste les éléments à prendre en compte pour assurer la pérennité du gîte et cadre l’intervention des chiroptérologues (visite annuelle, mise à disposition d’information si nécessaire etc…)
3 – Pérennité des habitats de chasse
Le Grand Murin chasse en forêt et en prairie. Le rayon d’action de la colonie peut varier entre 10 et 30 km.
Les chauves-souris suivent les haies et lisières pour chasser ou rejoindre leurs terrains de chasse. La fragmentation de ces corridors biologiques autour de la colonie peut entrainer sa disparition. Il est donc indispensable, pour assurer la pérennité des habitats de chasse de garder un maillage dense de haies dans les 3-4 km autour du gîte afin de permettre la dispersion des chauves-souris et de pratiquer une agriculture extensive. En complément, la limitation de l’éclairage public est indispensable car il peut entrainer l’abandon des terrains de chasse ou des corridors de déplacement.
Sincères remerciements pour cette découverte et les renseignements sur la vie des chiroptères à Monsieur Julien GIRARD-CLAUDON du Centre Ornitologique Rhône-Alpes (CORA) et à Monsieur Vincent de IRAREGUI et Christian PRAT de Terre et Nature.
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